La convention citoyenne s'intéresse à la place des imaginaires en temps de crise
Avant la 3e session prévue les 22, 23 et 25 janvier, les 80 de la convention citoyenne ont consacré une soirée à explorer les imaginaires à l’oeuvre lors des périodes de crise. Deux experts les guidaient dans l’exercice : Chloé Luchs-Tassé, cofondatrice de l’Université de la pluralité – réseau international d’artistes de science fiction – et Yoan Ollivier, designer de l’agence Vraiment, Vraiment.
“La crise est une expérience unique qui ouvre tout un ensemble d’options, chacune véhiculant des imaginaires différents. Ce soir, nous allons nous demander comment ces imaginaires influencent nos vies.” C’est avec ces mots que le designer Yoan Ollivier a lancé la soirée l’intersession 4 de la convention citoyenne le 14 janvier dernier.
Crises et imaginaires vont de pair
Pour bien comprendre le lien entre crises et imaginaires, les membres de la convention citoyenne ont fait un petit détour par les grandes crise de l’histoire récente. “A chaque fois, les artistes se sont emparés d’imaginaires et ont inventé de nouvelles formes, opérant un transfert de la réalité vers la fiction, a souligné Chloé Luchs-Tassé. Plusieurs de ces imaginaires ont aussi donné lieu à des réalisations concrètes, et dans des directions très variées“. Les années 1910 et la première guerre mondiale voient ainsi émerger à la fois le dadaïsme qui ne croit pas au progrès et le futurisme italien qui célèbre la civilisation urbaine, la machine et la vitesse. “Récupéré par le fascisme, ce dernier s’est incarné dans la création du réseau d’autoroutes italiennes“, a précisé Yoan Ollivier. Les années “crise de 1929” sont celles de Métropolis de Fritz Lang, sa ville industrielle du futur et sa classe dirigeante opprimant les travailleurs. A l’inverse, des réalisations comme le New Deal de Roosevelt visent un nouvel état providence tablant sur le collectif. Après 1945, alors que le modèle de société devient celui de la croissance, Orwell publie son livre 1984 avec sa société de surveillance de masse. De leur côté, des membres du conseil national de la résistance française rédigent le programme “Les jours heureux” qui donnera naissance à la sécurité sociale française. Ce détour dans l’histoire souligne combien des imaginaires variés traversent les crises et sont à l’origine de réalisations très disparates.
Du cocoonisme au localisme, en passant par le scepticisme
Après ce regard historique, les 80 se sont penchés en petits groupes sur les imaginaires à l’œuvre dans la crise actuelle de la Covid-19. Les deux experts les accompagnant en avaient repéré huit : l’hygiénisme, le localisme, l’écologisme, le prédictivisme (utilisation des données numériques pour prédire l’avenir), le contributisme (intelligence collective de coopération entre citoyens à l’heure des réseaux sociaux), le convivialisme (place de la convivialité), le scepticisme (remise en cause de l’expertise, de la parole politique) et le cocoonisme (le chez soi est un lieu d’épanouissement). Ils ont au passage présenté de nombreux récits de science fiction autour de ces imaginaires qui ont fait écho auprès de plusieurs membres de la convention.
Pas de conclusion tranchée à cette intersession mais une exploration des possibles discutés par les citoyens : “Connaîtra-t-on une vie sous cloche dictée par l’impératif de l’hygiène ?” “Le retour au local est une bonne chose, mais faut-il céder au régionalisme ?” “Avec le confinement, les nouvelles contraintes extérieures et l’explosion de la vente à domicile, va-t-on se replier sur notre univers privé ?”
Ce détour par les imaginaires devrait ainsi permettre aux citoyens de muscler leurs propositions pour décrire le futur désirable qu’ils présenteront aux élus en mars prochain.