Joël a 68 ans. Père de 3 enfants, il est veuf et vit aux Sorinières. A l’issue d’une carrière professionnelle très riche vécue sur plusieurs continents, il est un retraité engagé, militant syndical. Sa passion du débat se trouve quelque peu entravée par la visioconférence.
Comment vivez-vous cette crise ?
Avec mon parcours professionnel, qui m’a notamment amené à vivre isolé en Mer du Nord sur des plateformes pétrolières, on peut dire que j’ai une certaine capacité à supporter l’isolement. Donc, même seul, j’ai de la ressource. J’ai aussi la chance d’habiter dans une maison avec un jardin. Mais, autour de moi, je sens que les confinements successifs peuvent faire de gros dégâts : les couples sont mis à l’épreuve, le télétravail peut aussi mener à la déprime et créer des conflits familiaux.
Que pensez-vous du travail de la convention ?
On est encore au début, on a tout juste posé les contours. On va bientôt rentrer dans le dur et ce sera le moment de prendre chacun nos responsabilités, pour choisir les idées que l’on porte. Pour moi, le débat autour d’une table est essentiel : on pousse ses idées, on voit si elles tiennent la route et si l’on s’approche de la vérité, il y a de la convivialité. Le problème, c’est que cette convention se tient en visioconférence : il n’y a pas d’humain, que du cérébral ! Le pilotage technique de la visio, façon « tour de contrôle », fait que parfois les échanges sont brutalement coupés pour passer d’une discussion en groupe à une plénière, des propos restent inachevés entre nous et nous ne pouvons pas les reprendre, comme on l’aurait fait en direct. Avec ces conditions de débat, j’ai peur qu’on reste à la surface des choses.
Y-a-t-il un thème qui vous tient plus à cœur ?
Pour moi, la crise du covid révèle tout ce qui ne fonctionne plus et le fait qu’il faut arrêter de penser avec les mêmes modèles libéraux. On ne peut plus avoir non plus des politiques qui décident pour les citoyens, ils doivent faire avec. Je suis particulièrement inquiet de l’évolution du monde du travail. Avec mon expérience syndicale, je vois que ça devient compliqué. Le télétravail par exemple n’a aucun cadre, comment faire en cas d’accident ? Durant la crise, il y a eu des apprentis licenciés pour faute grave, c’est un comble alors qu’ils sont là pour apprendre ! Il faut aussi avancer en terme de mutualisation des moyens sur les territoires et ne pas tout centrer sur Nantes : aux Sorinières, je n’habite pas un quartier de Nantes ! S’intéresser au devenir des jeunes est aussi essentiel : un pays qui ne s’occupe par de sa jeunesse est un pays en décadence. Et comme je suis bercé d’universalisme et de justice, je voudrais aussi que l’on fasse plus pour les Roms, les gens du voyage et tous ceux qui ne sont pas « adaptés au système ».
Légende : Pendant le confinement, la mer a beaucoup manqué à Joël !