Une multitude de vécus et d’aspirations pour une envie commune : participer aux affaires publiques

Comité éditorial citoyen

Les citoyens et les citoyennes volontaires prennent la plume pour raconter leur convention ! Articles, fictions, photographies, podcasts, la forme est libre. Ce sont des récits personnels de la démarche, de leurs expériences de la crise, de leurs attentes pour l’après pour rendre compte de la pluralité des voix qui composent cette convention. Ci-dessous, Louise revient sur la première session de travail du 13-14-17 novembre. 

Mi-novembre, les travaux de la Convention Citoyenne de Nantes démarrent. Nous sommes 80 citoyen.ne.s, mosaïque représentative des habitant.e.s de la métropole. En raison de nos âges, nos sexes ou de nos revenus, nous sommes différent.e.s les un.e.s des autres. Si le hasard est à l’origine de notre sélection, nous sommes néanmoins animé.e.s par un seul et même désir: sortir de nos cercles, confronter nos points de vue et consacrer du temps aux affaires publiques.

Quelle est notre mission ? Nous 80, devons partager nos vécus de la crise Covid et débattre autour de nos aspirations pour le monde de demain, celui de l’après-covid. Nos échanges se dérouleront sous le parrainage de garant.e.s et, tout au long des 100 jours de cette Convention, nous serons « éclairé.e.s/renseigné.e.s » par des expert.e.s, des professionnel.le.s ou acteur.ice.s de terrain, qui auront été, si possible, identifié.e.s par nos propres soins. A l’issue de ces 100 jours, nos échanges devront déboucher sur l’établissement d’un diagnostic assorti de recommandations susceptibles d’orienter les politiques publiques métropolitaines jusqu’à la fin du mandat des élu.e.s.

Quant à la force politique que nous pesons, restons modestes. Si les élu.e.s s’engagent à transformer nos recommandations en politiques publiques, nous ne ferons pas la pluie et le beau temps sur la métropole. Nous sommes d’abord limité.e.s par le choix des électeur.ice.s, qui, ont voté en juin dernier pour une programme de campagne que les élu.e.s doivent mettre en musique. Nous sommes ensuite limité.e.s par un cadre budgétaire. Nous sommes enfin limité.e.s par notre légitimité. Si le panel des 80 que nous composons est représentatif, nous ne sommes qu’une goutte parmi les quelque 646 000 habitant.e.s de la métropole.

Frictions bienveillantes et désaccords cordiaux

Malgré le format peu amical de nos rencontres, qui, compte-tenu de la recrudescence des cas de Covid, se déroulent en visio-conférence, l’ambiance est étonnamment conviviale. Dès la deuxième journée de travail, les 80 se reconnaissent déjà et s’interpellent spontanément pour se saluer ou bien prendre des nouvelles. Pourtant, dans cette atmosphère bienveillante, nous découvrons immédiatement que nos vécus de la crise sont très différents les uns des autres.

  • Un proche est décédé pendant le confinement du printemps. Je n’ai pas pu aller aux obsèques. C’était terrible.
  • D’habitude, je travaille trop. Grâce au télétravail, je n’ai pas perdu mon temps dans les transports. Avec ma famille, les liens se sont resserrés.
  • Je suis une privilégiée. J’ai une maison, un jardin et pas de souci de revenus grâce à ma pension de retraite.
    Mon commerce a fermé pendant le confinement. Mes revenus sont fortement impactés et je suis très inquiète lorsque je pense à l’avenir.
  • La crise sanitaire va être, je l’espère, un électrochoc salutaire pour notre société. Les scientifiques nous alertent depuis si longtemps sur les conséquences dramatiques pour nous, humains, de la dégradation de notre environnement.
  • La perte de nos libertés et l’obligation de sortir avec une attestation : quelle angoisse ! C’est Georges Orwell.
  • Je me suis sentie seule, déprimée.
  • Le soir, regarder les arbres par la fenêtre de mon HLM avec mon fils sur les genoux. Ne rien se dire… Contempler et écouter le silence. Le bonheur.

Triés sur le volet, ces exemples révèlent vite à quel point nous n’avons pas vécu la crise de la même manière. Alors, c’est tout naturellement que, lorsque l’on nous demande d’évoquer les priorités du monde d’après, le dissensus jaillit à nouveau.

  • Demain, nous devons nous efforcer d’être plus solidaires et de faire encore plus attention à ceux qui sont isolés.
  • Moi, c’est sur l’insécurité que j’alerte. C’est un véritable fléau.
  • Je veux davantage de nature en ville et la gratuité des transports en commun pour que les gens arrêtent de prendre leur voiture.
  • Il faut privilégier le recyclage. Plus on recycle, plus il y a d’emplois.
  • Le recyclage ne fonctionne pas et nos déchets sont déversés dans les océans. Il faut réduire nos consommations.
  • J’aime bien le retour des avions. Ils font du bruit et quand il y a du bruit, il y a de la vie !
  • A chaque passage, les avions me rappellent que nous empoisonnons toujours un peu plus l’air que nous respirons. Nous devons bannir ce mode de déplacement.
  • Grâce à la réouverture des bars le soir dans la ville, je me sens plus en sécurité.
  • Les bars engendrent des nuisances sonores qui sont pénibles à vivre pour les riverains.
  • Témoin d’un accident mortel entre une cycliste et un camion, la sécurité routière me préoccupe particulièrement.

Au sein de ces échanges, révélateurs de nos aspirations qui s’opposent, quelques consensus frémissent : il semble que nous avons conscience que la crise a été plus dure pour les plus fragiles d’entre nous et que nous voulons donner à nos soignant.e.s et leurs patient.e.s davantage de moyens.

A l’issue de ce premier cycle de travail, le constat est là. Nous sommes 80 et nous posons 80 regards sur la crise sanitaire. Nous ne sommes pas d’accord sur le monde dans lequel nous voulons vivre demain. Nos échanges seraient-ils vains ?

Entre nous 80, il se passe pourtant quelque chose d’admirable. Nous nous respectons, nous nous écoutons et nous dialoguons. Peut-être parviendrons-nous à faire émerger des propositions véritablement communes ? Peut-être pas. Toujours est-il que nous avons conscience du ciment qui nous lie : les affaires publiques nous passionnent et nous avons envie de débattre et de participer à la vie de la Cité. Bref, nous vivons dans le même monde et nous faisons de la politique.