« Au delà de l’urgence, il faut que nous ayons une lecture à long terme »

Portrait

André a 78 ans et vit avec son épouse dans l’hyper-centre de Nantes, près de la place Graslin. Ancien ingénieur dans le domaine de l’énergie, il s’est engagé dans la convention citoyenne fort de ses échanges sur les questions de société avec ses enfants et petits enfants.

Comment vivez-vous cette crise ?
55 jours, c’était la durée du premier confinement. Je le sais précisément car avec mon épouse, nous avions décidé de rédiger chaque jour une page sur notre lecture de cette expérience. J’ai regardé la ville différemment, fait beaucoup de photos. Dans notre kilomètre très urbain, nous nous sommes aussi rendus compte de notre besoin d’avoir un petit point de chute à l’extérieur de la ville, où l’on puisse aller respirer et voir l’eau. Et c’est ce que nous avons cherché dès le mois de mai. Tout au long de cette crise, nous avons essayé de nous conformer à ce qu’on nous demandait. Mais il me reste une grande interrogation : comment les messages du gouvernement ont-ils pu rester aussi inaudibles ?

Pourquoi avoir rejoint cette convention et comment cela se passe ?
Je suis sensible à la vie de la ville et entouré d’enfants et petits-enfants qui sont architectes, sociologues ou étudiant en sciences politiques, alors on débat beaucoup. J’étais aussi curieux de voir ce qu’un débat citoyen pouvait apporter aux réflexions d’élus, déjà structurés et spécialistes de l’organisation de la cité. Mais les premiers échanges m’ont plutôt déçus : c’était de la bien-pensance tranquille : vélo, marché de proximité… Vraiment en dehors des enjeux fondamentaux mis en lumière par cette crise, selon moi. Et puis, à mi-parcours, la parole s’est libérée et on a enfin commencé à se muscler sur les vrais enjeux du confinement et de la crise. C’est bien plus intéressant maintenant. Par contre, c’est une vraie frustration de ne pas avoir d’échanges en direct. Ces écrans, ça tue la spontanéité.

Quels sont les sujets fondamentaux à vos yeux ?
Je pense qu’il faut essayer de bien distinguer ce qui relève du structurel et du conjoncturel. Au delà de l’urgence, il faut que nous ayons aussi une lecture à long terme. L’avenir des jeunes me paraît aussi fondamental : on ne mesure pas assez ce qu’ils vivent avec cette crise. Il va y avoir une vraie purge au niveau des bacheliers et des étudiants de première année notamment. Ça va conduire à une ségrégation sociale dont on n’a pas idée ! Autre point sensible, le télétravail. Attention à l’euphorie du télétravail, il nous montre aussi combien les emplois pourraient être facilement délocalisés. L’entreprise, c’est une construction collective, pas chacun dans son coin. Et puis, il faut se pencher sur les moyens alloués à l’hôpital public et les politiques de santé publique. Avec ma grande question du premier confinement : mais pourquoi les hôpitaux privés n’accueillaient-ils pas les patients covid ?

Légende : André a profité du premier confinement pour réaliser un travail photographique de repérage des points d’eau dans son quartier. Le petit indice : un P apposé à côté du numéro qui indique la présence d’un puits dans la cour de l’immeuble.