D’avril à juillet 2020, 60 agents de Nantes Métropole ont mené une veille documentaire sur la crise Covid-19, compilant plus de 600 documents pour fixer un moment particulier, celui du premier confinement et des mois qui ont suivi. Le résultat, mis en image par un designer, a été présenté à la convention citoyenne le 17 novembre dernier.
C’est un iceberg qui flotte dans un océan trouble, sous un ciel de nuages menaçants. Un iceberg rempli de beaucoup de questions : « Vers une économie robotisée ? La nature en ville : opportunité ou menace ? Vers une refondation du modèle d’attractivité ? » Cette image du designer Jacky Foucher (agence Grrr) synthétise une large veille documentaire Covid-19 menée par Nantes Métropole et pilotée par Catherine Veyrat-Durebex, chargée de mission au Pôle dialogue citoyen-évaluation – prospective.
Comment est né ce projet de veille documentaire ?
Catherine Veyrat-Durebex : Au premier confinement, la collectivité a dû réagir dans l’urgence. A côté de la gestion de crise, il nous a aussi semblé nécessaire de prendre le temps de la réflexivité, de se poser sur ce qui nous arrivait. Le Pôle dialogue citoyen a alors initié la démarche « Temps long » dont fait partie la veille documentaire. Cette période était très riche : beaucoup d’artistes, de philosophes, d’économistes… prenaient la parole dans l’espace médiatique. Nous avons voulu être à l’écoute de ces analyses qui pouvaient réinterroger nos modes d’intervention en tant que collectivité.
Comment s’est organisée cette veille ?
C.V-D : Nous avons mobilisé un réseau de veilleurs volontaires dans chaque direction de Nantes Métropole. Ils déposaient sur un espace commun tous les articles, vidéos, audios… qui les touchaient, dans leur champ d’intervention thématique. Chaque semaine, cette veille documentaire était présentée en comité technique de crise et venait en miroir des actions que la collectivité déployait. Au total, nous avons collecté et analysé plus de 600 documents, présentés dans un numéro des « Cahiers de la prospective ».
Qu’apporte le designer à ce travail ?
Jacky Foucher : Tout le monde ne lira pas les 150 pages d’analyse. Le designer est là pour rendre ce travail partageable au plus grand nombre. L’image fait réagir de manière plus immédiate, elle nous fait glisser d’une représentation « sèche » – un tableau d’informations – à une représentation plus expressive, comme une « expertise sensible ».
Pourquoi un iceberg ?
J.F. : Au départ, il s’agissait d’analyses en silos : économie, culture, aménagement… Mais plus on allait vers des questionnements de fond, plus les limites entre les thématiques fondaient. Le sujet qui ressortait était aussi de savoir comment l’institution, avec ses missions, s’insérait dans un bain liquide de visions plus collectives questionnant notre modèle de société, et qui interagissant avec elle. L’iceberg était né. Mais attention, cette image n’est pas parfaite, ni la vérité. Elle permet juste de fixer la réalité à un moment donné pour voir ce que ça donne envie de faire par la suite.
La mise en image a-t-elle révélé des choses ?
C.V-D : Je pense qu’elle nous a incité à creuser la question des imaginaires, représentés au fond de l’océan. Certains sont en perte de vitesse, d’autres remontent plutôt vers la surface.
J.F. : Dans les articles, ces imaginaires apparaissaient explicitement mais ne trouvaient pas leur place dans l’analyse. L’image les a mis côte à côte et a révélé leur importance.
En savoir plus :
• La synthèse graphique en iceberg produite par l’agence Grrr
• Les cahiers de la prospective Temps long / Effets Covid-19 – Veille documentaire